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Et il s’exaltait de les voir comme appropriées à sa peine avec ces tendres et clairs visages où la plus secrète lueur était l’essence de son regard et déclarait pour toute la terre que son amour c’était lui. Iris filait sa vie : dans les yeux de qui la verrait-il sortir du sommeil, et à travers quelles aventures, qu’il mettrait toute son âme à poursuivre, user sa chair, user ses jours ? Je ne devais le savoir que trop tard, et je m’en tins ce jour là, à le larder d’encouragements saugrenus : « Pourquoi ne pas aimer comme le premier venu ? Il faut se donner sans regarder derrière soi. »
Cependant, sans en avoir l’air, je l’observais. Je vis son regard heurter un grand plateau chinois et, sur un coin de ce plateau, se rassurer en considérant ensuite un mégot dont l’extrémité suait le fard. Je n’avais jamais vu de cigarettes entre les mains de M. Sureau. Je fus tenté de prendre entre mes doigts ce qui restait de celle-ci et d’examiner la qualité d’un tabac auquel j’attribuais l’atmosphère un peu chargée de cette chambre. Mais le pauvre homme s’agita tellement en me voyant penser à cette cigarette ou à ce plateau que je n’osai pas exécuter mon dessein.