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CHAPITRE II


Une préparation que l’on avait mise à bouillir sema quelques perles de couleur vive sur un réchaud d’argent. Je pris le temps d’observer mon malade, qui, la bouche ouverte, les yeux ailleurs, s’efforçait d’interrompre le courant. En me levant pour lui venir en aide, je pensais : « Il a bien l’air de ce qu’il est, mais je ne voudrais pas être de ceux qui le prendront pour une bête. Toutefois, je ne crois pas qu’il sorte jamais rien de bon de quelqu’un qui portait des oreilles si longues. »
« Avant de devenir si malade, j’ignorais l’existence d’Iris », me dit-il en se rasseyant avec peine. « Je n’avais pas eu besoin de la connaître pour l’aimer : mes regards s’ouvraient sur mon cœur dans les profondeurs qui la retenaient. Il n’y avait rien entre nous que ma terreur d’enfant perdu, l’immensité de son souvenir pour me cacher qu’elle était là.
« Sous les voiles de toutes les villes, au fond des plus tristes brouillards, ma vie avait sa fatalité dans ce qui nous liait l’un à l’autre. Il n’y a rien de réel en ce monde que la fureur de lui appartenir,