Page:Bousquet - Iris et petite fumée, 1939.djvu/15

Cette page a été validée par deux contributeurs.
16


tinguer son murmure approchait mon visage du sien. Tandis qu’il se recueillait, je respirais sur ses vêtements une odeur particulière, transparente et pleine ; et toute chaude de soleil, comme nourrie d’une autre odeur par le souvenir qui me l’aurait fait reconnaître. Cela sentait la peinture fraîche et la boule de cyprès, une odeur qui n’était claire qu’à la pensée d’un monde mouvant : Voilà une impression surprenante, me dis-je, mais à laquelle je me suis habitué tout de suite, comme à ce parfum même qui, déjà, referme dans ma chair son calice. Cependant, Monsieur Sureau parlait si bien que j’avalais ma langue pour mieux l’écouter :
« Depuis que je l’appelle Iris, je suis tout à fait sûr qu’elle est dans cette vie.
« Maintenant, je ne saurais pas vous dire combien de temps j’en ai douté. On ne s’applique pas à devenir un homme sans entrer pour une part dans l’inertie des autres. Même le plus affranchi de ceux qui vivent se refuserait à tenir pour réel ce qui n’existe que pour lui.
« Pourtant, dit-il encore, l’universel aura d’abord été la solitude de celui qui devait l’exprimer… » Et moi, je m’empressais de soutenir une thèse aussi réconfortante pour un penseur sans crédit : le médecin sortit de son silence : je déclarai avec assez d’à-propos :