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comme sa tante qu’un inexplicable hasard avait seul empêché ma femme de mettre fin à ses jours. La terreur de ce grand garçon faisait mal à voir. Il pâlissait quand on prononçait le nom de Monsieur Sureau et comme je lui demandais enfin pourquoi il n’avait pas secouru ce corps sans vie, avec un accent patois et des mots de sa langue maternelle qui me révélaient à quel point il était ému : « Cela suffit d’une fois.
— Comment ! Vous le connaissiez ?
— Ce n’est pas Monsieur Sureau, me dit-il dans un souffle. C’est le lieutenant Basile qui a été tué pendant la guerre.
— Vous êtes capable de reconnaître dans Monsieur Sureau un homme tué il y a dix ans ? lui demandais-je. D’abord, êtes-vous sûr que le lieutenant Basile était mort ?
— Tout à fait sûr, me répondit l’ancien soldat. C’est moi qui l’ai enterré !
Je n’allai pas plus loin. Le désir de sauver ma femme passait avant ma curiosité. Mais je ne devais pas tarder à obtenir une explication rationnelle des événements que j’ai racontés. Je ne dis pas que cette explication me satisfait entièrement. Mais il se trouvera des personnes plus sagaces que moi pour y voir au moins les éléments d’un problème moins irritant pour l’esprit que celui que mon récit a posé.