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Il reprenait :
« L’âme n’est que son passage, le seul lieu du monde où l’on puisse toucher de la main son absence. Elle est le nom divin de l’absence… »
Je devais me reprocher par la suite d’avoir introduit dans notre conversation ce mot vide de sens. Alors que je me serais interdit de l’écrire à cause de sa faiblesse, je le répétais avec complaisance depuis que je m’étais aperçu qu’il pesait d’un poids terrible sur les impressions de Monsieur Sureau. J’espérais qu’il arracherait quelque vérité ou quelque aveu à l’homme qui tremblait en l’entendant et paraissait ensuite s’efforcer en vain de le répéter en agitant les bras et les épaules dans une impuissance convulsive qui le faisait ressembler à un oiseau frappé par une pierre dans un arbre qui le tient par ses ailes. Je ne savais pas que la vérité naît les yeux fermés et qu’il ne faut pas aller à sa recherche avec un esprit qui n’est pas né d’elle. Et cependant, un vertige s’empara de moi quand, faisant un gros effort, Monsieur Sureau articula en me regardant pesamment : « Un corps n’est son amour que nu et mis en crois. »
Une espèce de gémissement lui avait répondu. Sur le satin bleu de mon kimono, je vis ma main se crisper, faire le geste de saisir. Dans la pièce voisine un craquement s’était fait entendre, l’ébranlement