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ton éclat m’éloigne c’est avec les rayons de l’étoile que j’avais dans le cœur. »
Une sorte de calme brûlant m’enveloppait. J’étais le frère de quelqu’un qui dormait au fond de ce que je voyais, l’innocence de celui que nos propos auraient ému. De tout ce que disait mon malade, il n’y avait que les silences qui s’adressaient à moi. Sa parole n’était pas faite pour que je l’entende et je n’étais là que pour donner le poids de la vie à quelque chose qui touchait en elle son éloignement. Sous le voile bleuâtre de la fumée qui l’enveloppait, la vierge gothique dressée sur la cheminée prenait une apparence singulière. La fermeté de ses contours semblait menacer la porte qui lui faisait face comme si elle avait traversé le bois léger du vantail avec un regard qui avait le poids de la pierre. Tout ce qui n’avait pas sa forme dans une pensée me paraissait devenir invisible. Je regardais des lis comme s’ils allaient s’envoler. Vivant, je sortais de l’ombre un univers où je n’étais pas un corps mais l’idée d’un corps. Dans les choses présentes je me pénétrais de la transparence et surtout de la force de cette idée comme si elle avait sur elles nourri le pressentiment terrible d’un objet plus lourd que le monde à faire enfin retomber sur moi. C’était une chambre comme les autres, c’était la terre où la beauté est la litière des vents, où ce qu’il y a de