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quelques instants encore auprès de moi. Le grand malade que je suis verra jusqu’à quel point vous êtes un médecin.
— Est-ce bien vous, le malade, lui répondis-je, et moi le médecin ? En prononçant ces paroles, je regardais avec affection l’homme qui mettait ses dernières forces à chercher un passage entre la poésie et la pensée. J’étais sur le point de lui avouer que je me méfiais de mon métier ; et que même je gardais rancune à mes connaissances de se montrer impuissantes devant un cas comme le sien. Mais il ne me laissa pas le temps de mettre une parole d’amertume à l’abri d’une idée généreuse. Depuis un moment ses yeux me disaient qu’il n’était pas là pour m’écouter. J’avais fait mine de me lever sans arracher une lueur à ce regard devenu froid comme un marteau de porte. M’étant mis sur mes pieds à la dernière pensée qui m’était venue, je m’apprêtais à donner en souriant la tournure d’un adieu ; quand la rapidité de son action m’immobilisa entre ma chaise et mon chapeau. Avec une agilité surprenante, il s’était levé, et, prenant appui sur le dossier de son siège, il l’emportait avec lui comme une béquille improvisée vers le côté caché de son appartement. Quand il revint vers moi, je vis qu’il tenait à la main une lampe de forme étrange et que j’eus tout le loisir d’examiner car, après l’avoir posée