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avoir payé une somme de 50 marcs en amende et ils présentent une feuille de parchemin comme quittance du viguier de Béziers pour le duc de Normandie. Leur acte fut reconnu authentique et l’amende levée.

Mais l’épisode le plus curieux est celui de la levée de la dîme du 11 novembre 1356.

L’Assemblée des communes du Languedoc, réunie à Toulouse en avril 1356 pour voter des subsides au roi et à son fils aîné le duc de Normandie à cause de la guerre, avait imposé 6 deniers par livre sur les ventes des objets comestibles et marchands pendant une année. Cet impôt parût-il vexatoire ? C’est probable. En plusieurs villes du Languedoc il y eût, à ce sujet, des émeutes et des troubles.

Cependant, le recteur de Servian, Pierre Boeti, en sujet déférant, voulut lever cet impôt et fit appel au concours d’un tabellion de Béziers, Antoine de Gros. Le procédé parut blessant aux habitants. Le 11 novembre, fête de la Sainte-Trinité, il profite d’un grand concours de peuple pour réclamer l’impôt. Le peuple trouva cette dîme nouvelle et insolite en un temps où les charges de guerre et les réparations des murs grevaient les habitants. Le tabellion prétendit se présenter au nom de l’évêque. Il pénètre dans l’église, se place près de l’autel et à la requête de Guillaume Pelle, sergent du roi, il demande d’être payé. Il fait des menaces aux habitants et trouble l’office divin. Or, les habitants connaissaient le tabellion. L’un d’eux s’avise que le tabellion étant bigame, marié deux fois, est impropre, d’après le droit canonique, à exercer une charge d’église. Il se lève et proclame l’incompétence du collecteur. Le tabellion veut urger. Un tumulte s’élève dans le lieu saint. Les habitants chassent le tabellion, quelques-uns même tirent leur glaive et font fermer les portes de la ville pour empêcher les compagnons du collecteur d’entrer, ils font proclamer par le précon défense de lui donner ou vendre des vivres afin de le voir au plutôt quitter la ville. Séance tenante, ils adressent au roi une supplique pour lui déclarer suffisantes les charges dont ils se trouvent grevés. Leurs consuls Pons, Raymond Fabre, André de Albanga et Thibaud informèrent le sénéchal de Carcassonne, prêts à payer ce qui est légitimement dû, tout en protestant contre l’injustice fiscale. Ainsi savaient protester nos ancêtres.

Nous n’avons pu connaître l’issue de cette affaire ; peut-être un jour la découverte de quelque nouvelle pièce d’archive nous éclairera. Qu’il nous suffise de savoir que nos pères savaient se faire rendre justice.