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« Les personnages les plus éminents de ma terre se sont laissés corrompre, la foule a suivi leur exemple, ce qui fait que je n’ose et ne puis réprimer le mal ». Malheureusement cette faiblesse gagna le cœur de son fils Raymond VI. Sans faire adhésion formelle à la secte, et tout en suivant extérieurement les cérémonies catholiques, il laissa l’erreur se propager dans ses États.

Forts de cet appui, les Cathares s’étaient réunis en conciliabule à Saint-Félix de Caraman, en 1167, sous la présidence d’un personnage venu de l’Empire grec, Niquinta ou Niquetas. Ils avaient établi des diocèses, nommé des évêques de leur secte, tranché des questions religieuses. De là un courant de propagande plus active s’était déchaîné.

L’Albigéisme constituait autant une hérésie religieuse qu’une erreur politique et sociale. Au point de vue religieux, il niait les Mystères, supprimait les Sacrements, effaçait la hiérarchie ecclésiastique. Il affichait un rigorisme de vie tout en façade, auquel se laissèrent prendre les esprits peu réfléchis et qu’ont démasqué les études contemporaines sur la secte d’après les propres aveux des Albigeois.

Au point de vue social, c’était la ruine de la société du XIIIe siècle qui reposait tout entière sur la loi du serment et la fidélité à la foi jurée. Or, l’Albigéisme réprouvait le serment, prétendait qu’on pouvait se parjurer impunément, Jura, perjure, secretum tradere noli, ne tenait aucun compte de la hiérarchie sociale. En outre, il ruinait la société par sa base, en interdisant le mariage ou en le livrant à tous les excès par sa doctrine des « trois sceaux » signacula oris, cordis, sinus.

On comprend l’émotion qu’une telle doctrine ait soulevée non seulement dans l’Église, mais encore auprès des gouvernements civils eux-mêmes. À la répression et à la rudesse du bras séculier, on mesure le danger couru par la Société.

La plupart des villes du Midi avaient été contaminées par l’Albigéisme, Servian était devenu un centre important d’erreur.

Estève de Cervian laissa pénétrer dans sa ville quelques Cathares fameux : Thierry, Baudouin, Bernard de Sismorra. C’étaient des Parfaits de marque.

On ne sait rien de Baudouin, ni de Sismorra ; quant à Thierry, il avait occupé un rang honorable dans la hiérarchie catholique, puisqu’il avait été doyen du Chapitre de Nevers. Impliqué dans le procès de l’abbé de Saint-Martin, de Nevers, cité devant l’archevêque de Sens et de ses suffragants, pour se justifier du crime d’hérésie, il avait déclaré s’en remettre au jugement des prélats ; mais avant le prononcé de la sentence, il avait réussi à s’enfuir. Il s’était caché quelque temps, changeant son nom de Guillaume en celui de Thierry. En 1205, nous le trouvons à Servian (Guiraud, Cartulaire de Prouille).