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Régle ce que je dois suivant ce que je puis ;
Et rends-moi digne, enfin, d’être ce que je suis.

ESOPE.

Seigneur, vous obéir est ma plus forte envie :
C’est à vous que mon zéle a consacré ma vie :
Mais dans l’heureux état où vos bontés m’ont mis,
Ne me commandez rien qui ne me soit permis.
Il est beau qu’un Monarque aussi grand que vous l’êtes,
Pour s’immortaliser fasse ce que vous faites :
Qu’au gré de la justice il règle son pouvoir ;
Et qu’exempt de défauts il ait peur d’en avoir.
Mais si vous en aviez, quel homme en votre Empire
Seroit assez hardi pour oser vous le dire ?
Ce n’est point pour les Rois qu’est la sincérité.
Tout se farde à la Cour jusqu’à la vérité.
L’encens fait un plaisir dont l’ame extasiée
Jamais jusqu’à ce jour ne s’est rassasiée ;
Et l’on étale aux Rois d’un plus tranquille front
Les vertus qu’ils n’ont pas que les défauts qu’ils ont.

CRESUS.

Et c’est, mon cher Esope, à quoi, s’il est possible,