Page:Boursault - Germanicus, 1694.djvu/75

Cette page n’a pas encore été corrigée

Soupçonner d'artifice un coeur si magnanime.

Agripine

Seigneur, à quelle honte allez-vous m'exposer ? Il va m'en coûter un pour vous désabuser. D'un ami généreux je vais trahir le zèle : Pour vous prouver ma foi, je vais être infidèle : Mais quelque soit le crime où je dois recourir C'en serait un plus grand de vous laisser périr. Dissipez votre erreur, et connaissez Tibère : Ce Maître si chéri qui vous tient lieu de père, Qui semble à votre gloire appliquer tous ses soins, Et qui, s'il vous aimait, vous caresserait moins ; Ce Tyran, car, Seigneur, quoi qu'il ait votre estime, Pour ce Prince cruel ce titre est légitime : Et s'il ne l'avait pas il faudrait lui donner, Puisqu'il veut cette nuit vous faire assassiner.

Germanicus

Me faire assassiner ! Lui, Madame ? On vous trompe. César...

Agripine

Hé bien, cruel, souffrez qu'il vous corrompe : Où la mort vous attend précipitez vos pas : Croyez qui vous veut perdre, et ne me croyez pas. Je me flattais pourtant de cette triste gloire, Que loin d'avoir, Seigneur, tant de peine à me croire, Un héros tel que vous, assuré de ma foi, Ne balancerait pas entre Tibère et moi. Seigneur, quoique pour moi vous soyiez tout de flamme, Souffrez que de Drusus je devienne la femme : Laissez-moi le punir d'avoir troublé vos feux. Il me rend malheureuse, et sera malheureux. Non que de ma vertu je ne sois assurée : Mais ma vie, et sa joie auront peu de durée ;