Page:Boursault - Germanicus, 1694.djvu/73

Cette page n’a pas encore été corrigée

En un mot, je crois être estimé de Tibère Comme l'était d'Auguste Agrippa votre père : Il m'aime, il m'en assure avec sincérité ; Et je serais ingrat si j'en avais douté. Plût au Ciel que vous-même eussiez vu ses caresses, Et ce qu'un si grand Prince a montré de tendresses ! Vous en seriez touchée, et loin de le haïr...

Agripine

Ah ! Seigneur, qu'un héros est facile à trahir ! Et que lorsqu'on possède une vertu sublime, On se livre aisément aux embûches du crime ! En faveur de César soyez moins prévenu, Seigneur ; depuis qu'il règne il vous est inconnu. Je vous l'ai déjà dit, Rome changea de face, Aussitôt que d'Auguste il occupa la place, Et que son artifice, après de vains refus, Hérita de son rang, et non de ses vertus. Ne vous proposez point l'exemple de mon père ; Auguste était son maître, et le vôtre est Tibère : L'un, malgré les périls dont il fut menacé, N'a jamais fait de crime où l'on ne l'ait forcé ; Et qu'on retranche un an de son illustre vie, J'abandonne le reste à la plus noire envie. Tant que du monde entier il fut seul possesseur, Ses secrets ennemis admiraient sa douceur : Et quand des plus méchants il résolut la perte, Loin d'affecter la fraude, il leur fit guerre ouverte. L'autre, dont l'Univers aujourd'hui prend la loi, En montant sur le Trône en a banni la foi : À sa Cour, où l'usage a permis les adresses, On endort ce qu'on hait par de fausses caresses ; À des maux que l'on cause on feint de prendre part ; Et ce que l'on veut perdre, on le perd avec art. Seigneur, si vous m'aimez, faites le moi paraître ;