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Vous ranger sous ses lois avant qu'on vous en presse ; Prévenir ses soupçons ; ménager sa tendresse ; Dérober tout espoir au grand Germanicus ; Tout cela dit assez que vous ne l'aimez plus.

Agripine

Attends, attends, Flavie, à tenir ce langage, Que le sort inflexible ait épuisé sa rage ; Et qu'aux yeux du Sénat, comme je l'ai promis, D'un Tyran odieux j'aie épousé le fils. Dés-qu'il aura ma main, dût ce fils de Tibère Se montrer envers moi plus cruel que son père, J'oublierai le héros dont mon coeur est charmé ; Et je le haïrai de l'avoir trop aimé. Jusques-là, je veux bien t'avouer ma faiblesse, Il a tous mes désirs, et toute ma tendresse : Dans le coeur qu'on lui vole il a fait des progrès Qu'on ne détruira point tant qu'il en sera prés. Avant qu'à le revoir je sois accoutumée Je veux que mon Hymen le renvoie à l'armée. L'amour que j'ai pour lui me deviendrait fatal, Si je ne me hâtais d'épouser son rival. Depuis que je l'ai vu, la douleur qui l'accable M'a causé pour Drusus une haine implacable ; Et si durant un mois je le vois tous les jours, Mon amour et ma haine augmenteront toujours. Je ne veux point aimer quand l'amour est un crime ; Je ne veux point haïr ce qu'il faut que j'estime ; Et puisque malgré moi l'on m'enchaîne à Drusus, Il est de mon devoir de fuir Germanicus. Pour sauver ma vertu dans ce désordre extrême, Je fais ce que je puis, je m'immole moi-même : Je me perds. Mais, Flavie, un coeur comme le mien, Quand la gloire a parlé, ne consulte plus rien.