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Ne vous obstinez point à me la refuser ; J'ai le coeur assez grand pour n'en pas mal user : Et le crime fatal, que j'osais me permettre, M'a coûté trop de maux pour en jamais commettre. Rendez-moi votre coeur, et calmez le courroux...

Livie

Quand je vous le rendrais, ingrat, qu'en feriez-vous ? Vous épousez demain la Princesse Agripine : On l'arrache à mon frère, et on vous la destine : Pour son intérêt seul, je sais tout sur ce point.

Drusus

Non, Madame, demain je ne l'épouse point. J'ai tantôt vu César. Agripine qu'il gêne, À l'hymen que je fuis ne consent qu'avec peine : Elle attend le héros qui la sut enflammer ; Et demande du temps pour apprendre à m'aimer. César, qui doit l'Empire à son aïeul Auguste, N'a pu lui refuser une grâce si juste : Le jour de notre hymen est remis à son choix ; Et mon supplice, enfin, est différé d'un mois. Pour m'arracher, Madame, à cet hymen funeste, Rendez-moi votre coeur, et je répons du reste. Avant qu'un mois s'écoule, et qu'il soit expiré, L'Empereur est mon père, et je l'attendrirai. Chaque jour à ses pieds j'irai verser des larmes ; Chaque jour à ses yeux j'irai vanter vos charmes ; Sensible à mon amour il en sera l'appui : Et votre seul mérite obtiendra tout de lui. Que si tant de douleur ne peut vous satisfaire, Au moins en m'oubliant songez à votre frère : Il adore Agripine, et la veut adorer ; L'arracher à ses feux c'est le désespérer ; De son sort, et du mien je vous rends la maîtresse.

Livie

Seigneur, par trop d'endroits vous tentez ma faiblesse.