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Les attraits de Livie ont sur moi trop d'empire. Mon coeur, qui dans ses fers a trop longtemps vécu, Par ses premiers vainqueurs, est de nouveau vaincu. J'appréhendais Livie, et je l'ai tantôt vue ; En voulant me parler son âme s'est émue ; Preste à me reprocher mon crime, et sa bonté, Un retour de tendresse a trahi sa fierté. Quoi que l'emportement pour son sexe ait de charmes, Son amour à ses yeux n'a permis que des larmes ; Et son tendre courroux, sa paisible douleur, Contre mon injustice ont révolté mon coeur. Je ne vous dirai point, d'un objet qui sait plaire, Quel effet une larme est capable de faire : Si vous avez aimé, Pison, vous savez bien Qu'aux pleurs d'une maîtresse on ne refuse rien : De ces pleurs tout-puissants le charme imperceptible, Dans le coeur le plus dur trouve un endroit sensible ; Et je me voudrais mal si des yeux pleins d'appas Répandaient une larme, et ne me touchaient pas.

Pison

Ce retour vers Livie a droit de me surprendre : Vous lui devez le coeur que vous lui voulez rendre ; Mais après tout, Seigneur, à vous parler sans fard, Y songer à présent, est y songer trop tard. Autant que je l'ai pu, j'ai condamné l'envie Qui vous fit pour une autre abandonner Livie : Vous passiez sous ses lois des moments assez doux : Elle n'aimait, Seigneur, et n'aime encor que vous. Un amour si confiant pour un Amant rebelle, Vous prête un digne exemple à demeurer fidèle : Tout parle en sa faveur ; mais enfin...