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Quoique sente mon coeur, mon devoir est le maître. Quand par l'ordre d'un père il fallut vous aimer, J'obéis avec joie, et me laissai charmer : Aujourd'hui qu'à mes voeux on impose silence, J'obéis avec peine, et me fais violence ; Et loin d'être insensible à de si rudes coups, Je m'arrache à moi-même en m'arrachant à vous. En faveur de l'amour tout mon coeur se déclare : À remplir mon devoir tout mon sang se prépare ; Et ces deux opposez sont d'illustres tyrans, Qui demandent de moi des efforts différents. Si j'écoute mon sang, que le feu déshonore, Mon devoir m'est trop cher pour vous aimer encore : Si j'entends de l'amour les conseils absolus, Je vous ai trop aimé, pour ne vous aimer plus : Ma vertu qui chancelle, en cet état réduite, Pour cacher sa faiblesse a recours à la fuite ; Et de peur que l'amour n'ébranlât le devoir, N'ose s'accoutumer au plaisir de vous voir.

Germanicus

Et que sera, Madame, à ma douleur mortelle L'inutile secours d'une pitié cruelle ? Ces regrets si touchants ont pour moi peu d'appas ; Rendez-moi votre amour, et ne me plaignez pas. Me vouloir tant de bien, et ne m'en pouvoir faire, C'est me faire un honneur qui m'est peu nécessaire. Mon rival moins aimé vous épouse demain ; Quand j'aurais votre coeur, il aura votre main ; Devenu par l'hymen la moitié de vous-même Vous ferez juste assez pour l'aimer, s'il vous aime ; De ce qui peut vous plaire il fera ses plaisirs ; Il vous rendra des soins ; préviendra vos désirs ; Votre âme accoutumée à souffrir ses caresses, Lui rendra soins pour soins ; tendresses pour tendresses ;