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À l'ardeur que je sens vous pressait de répondre ; Si mon coeur prévenu, corrompant mon devoir, Pour flatter mon erreur concevait quelqu'espoir ; Le Prince que je sers, dont la haine est à craindre, D'un ami si perfide aurait lieu de se plaindre ; Et j'aurais du regret d'attirer ses mépris, Par un crime, inutile à l'amour que j'ai pris. Mais que n'ai-je pas fait en faveur de sa flamme ? Je l'ai peint à vos yeux tel qu'il est dans mon âme ; Et souvent à son feu sacrifiant le mien, Je me suis voulu mal à vous vouloir du bien. Pour vous le faire aimer j'ai tout mis en usage. Il est vrai que mon coeur démentait mon langage, Et de mon zèle extrême étant presque jaloux, Quand je parlais pour lui, je soupirais pour vous : Quoi que ma passion n'ose rien s'en promettre, C'est un crime envers vous bien facile à commettre ; Et pour tout dire, enfin, quand il serait plus noir, C'est m'en punir assez que d'aimer sans espoir. Laissez-moi me bannir. Mais de grâce, Madame, Que ce soit de vos yeux, et non pas de votre âme : Quoi qu'au sort d'un époux vous alliez vous unir, Ne me bannissez pas de votre souvenir. Laissez-moi me flatter de ce bon-heur extrême, Que du moins, quelquefois vous direz en vous-même En parlant de Pison, en songeant à ses feux, Il fut moins criminel, qu'il ne fut malheureux. Mon départ est douteux à vous voir davantage : Adieu. Que cet adieu soit mon dernier hommage. Je vais partir sur l'heure, et je jure, en partant, Qu'aucun autre que moi n'aimera jamais tant. Adieu, Madame.

Agripine

Ah ciel ! est-ce ainsi qu'on me laisse ?