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Qu'aussi-bien que mon coeur je m'y suis abusé. Quand je vis la Beauté, qui doit m'être contraire, Je nommai bienveillance un désir de lui plaire : Je me plus à la voir, et je connus ainsi Qu'en lui voulant du bien je m'en voulais aussi. Je crus donc que ce nom n'était plus légitime, Et que ma bienveillance était lors pure estime : Mais j'avais des transports et des troubles secrets, Que pour l'estime seule on n'a presque jamais. De l'audace d'aimer ne pouvant me défendre, J'appelai cette estime une amitié fort tendre : Mais j'entendais mon coeur qui me disait tout bas, L'amitié rend tranquille, et je ne le suis pas. Dans cette inquiétude où me plongeait ma flamme, Je revis la Beauté, qui m'avait touché l'âme : Mille appas différents paraissaient tour à tour ; Et ma tendre amitié fut changée en amour. Cet amour violent, quelque pur qu'il puisse être, Je l'aurais étouffé si je l'avais vu naître ; Mais sous tant de faux noms il déguisa le sien, Qu'il régnait dans mon âme, et je n'en savais rien.

Agripine

Si vous eussiez parlé rien n'était difficile : Aux succès de vos feux je pouvais être utile : Vous deviez à ma foi confier vos secrets.

Pison

Hé quoi ! Mes yeux, Madame, ont-ils été muets ? Ne vous ont-ils rien dit d'une ardeur si puissante ?

Agripine

Au langage des yeux je ne suis pas savante : Mais si votre destin en peut être plus doux, Dites qui vous aimez, et je parle pour vous.