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Agripine

Ah Seigneur !

Drusus

Poursuivez, sans que rien vous contraigne. Je lis dans votre coeur, Germanicus y règne : En vain à votre sort le mien doit être joint ; Tant que vous l'aimerez vous ne m'aimerez point. Bien qu'à votre vertu rien ne soit impossible, Mon rival est aimable, et vous êtes sensible ; Et de deux coeurs soumis qui vous rendront des soins, Ce sera votre époux qui vous plaira le moins.

Agripine

Je dois vous l'avouer, et le puis sans faiblesse : J'ai pour Germanicus eu beaucoup de tendresse. L'ordre exprès d'Agrippa, de qui je tiens le jour, Contraignit mon devoir à souffrir son amour. Au bruit qu'en sa faveur faisait la voix publique, Pleine d'un si grand nom, j'obéis sans réplique. Je vis Germanicus, c'est vous en dire assez ; Rome lui rend justice, et vous le connaissez. À ce premier aspect nos esprits se troublèrent ; Aussi-bien que nos yeux nos coeurs se rencontrèrent ; Et sur moi sa parole eut un si grand crédit, Qu'ayant dit qu'il m'aimait je crus ce qu'il me dit. Je vous avouerai plus, Seigneur : sa renommée Avant que de le voir m'ayant déjà charmée, Avec tant de mérite il ne fut pas haï ; Et mon père jamais ne fut mieux obéi. Accordez-moi, Seigneur, ce que j'ose prétendre : J'ai pour vous une estime aussi juste que tendre : Je n'ai point de regret d'avoir su vous charmer ; Mais donnez-moi le temps d'apprendre à vous aimer. Différez un hymen où l'on veut me contraindre : J'ai des restes d'amour que je tâche d'éteindre ;