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AVANT-PROPOS

Beaucoup d’hommes, et parmi les plus cultivés, se trouvent attirés aujourd’hui vers le socialisme, par révolte de conscience contre les inégalités et les misères de nos civilisations industrielles. Le socialisme s’adresse à leur raison par la rigueur de sa critique et l’enchaînement scientifique de sa thèse évolutionniste il séduit leur imagination par la perspective d’une cité plus heureuse de justice et de beauté.

Quelle que soit sa croyance, l’homme, en la faisant sienne, la modèle à son image. Telle doctrine, qui se déforme et se rapetisse chez les natures vulgaires, se développe, dans un esprit supérieur, en système scientifique ou en aspiration d’amour. Pour l’homme de cœur que hante l’image obsédante de la misère, est-il rêve plus noble que celui du bonheur pour tous ? A quels avantages sociaux ne renoncerait-il pas avec joie, s’il pouvait croire que la rançon de l’humanité souffrante fût à ce prix ? N’irait-il pas même jusqu’à sacrifier quelque chose de sa liberté ? Assurément, si le socialisme doit être le salut des misérables, les hommes d’élite iront au socialisme, sans souci de ce qu’ils pourront y perdre.

Mais des esprits formés à l’école des sciences expérimentales, ou simplement à celle de la vie, ne sauraient se contenter du côté purement négatif du socialisme, ni s’abandonner, dans leur conception de l’avenir, à de vagues rêveries humanitaires, si généreuses qu’elles soient. Leur socialisme doit être moins instinctif et mieux précisé que celui d’un Imaginatif comme