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sanglante, 16 000 hommes des nôtres se battirent contre 70 000 Russes, qui perdirent 8 000 hommes, et nous 3 000. Nous eûmes plusieurs officiers supérieurs tués et blessés, entre autres le général Delzons, frappé d’une balle au front. Son frère, qui était colonel, voulut le secourir ; à son tour, il fut atteint d’une seconde balle ; tous deux expirèrent à la même place.

Le 25, au matin, j’étais de garde depuis la veille au soir, près d’une petite maison isolée où l’Empereur était logé et où il avait passé la nuit ; le soleil se montrait au travers d’un épais brouillard, comme il en fait souvent au mois d’octobre, quand, tout à coup et sans prévenir personne, il monta à cheval, suivi seulement de quelques officiers d’ordonnance. À peine était-il parti, que nous entendîmes un grand bruit ; un moment, nous crûmes que c’étaient des cris de « Vive l’Empereur ! » mais nous entendîmes crier : « Aux armes ! » C’étaient plus de 6 000 Cosaques commandés par Platoff, qui, à la faveur du brouillard et des ravins, étaient venus faire un hourrah. Aussitôt les escadrons de service de la Garde s’élancèrent dans la plaine ; nous les suivîmes, et, pour raccourcir notre chemin, nous traversâmes un ravin. Dans un instant, nous fûmes devant cette nuée de sauvages qui hurlaient comme des loups et qui se retirèrent. Nos escadrons finirent par les atteindre et leur reprendre tout ce qu’ils avaient enlevé de bagages, de caissons, en leur faisant essuyer beaucoup de pertes.

Lorsque nous entrâmes dans la plaine, nous vîmes l’Empereur presque au milieu des Cosaques, entouré des généraux et de ses officiers d’ordonnance, dont un venait d’être dangereusement blessé, par une fatale méprise : au moment où les escadrons entraient dans la plaine, plusieurs de ses officiers avaient été obligés, pour se défendre, et pour défendre l’Empereur, qui était au milieu d’eux et qui avait failli être pris, de faire le coup de sabre avec les Cosaques. Un des officiers d’ordonnance, après avoir tué un Cosaque et en avoir blessé plusieurs autres, perdit, dans la mêlée, son chapeau, et laissa tomber son sabre. Se trouvant sans armes, il courut sur un Cosaque, lui arracha sa lance et se défendit avec. Dans ce moment, il fut aperçu par un grenadier à cheval de la Garde qui, à cause de sa capote verte