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sâmes notre autre voiture et nos sacs de farine sous la garde de cinq hommes, pour venir ensuite, avec d’autres, les chercher.

Pour la voiture, il était de toute impossibilité de s’en servir, vu que le milieu de la rue où il fallait passer était embarrassé par quantité de beaux meubles brisés et à demi brûlés, des pianos, des lustres en cristal et une infinité d’autres choses de la plus grande richesse.

Enfin, après avoir passé la place des Pendus, nous arrivâmes où était la compagnie, à 10 heures du matin : nous en étions partis la veille à 10 heures. Aussitôt notre arrivée, nous ne perdîmes pas de temps pour envoyer chercher tout ce que nous avions laissé en arrière : dix hommes partirent de suite ; ils revinrent, une heure après, avec chacun une charge, et malgré tous les obstacles, ils ramenèrent la voiture que nous y avions laissée. Ils nous contèrent qu’ils avaient été obligés de débarrasser la place où la première voiture avait été écrasée avec les Russes, et que ces derniers étaient tous brûlés, calcinés et raccourcis.

Le même jour 18, nous fûmes relevés du service de la place, et nous fûmes prendre possession de nos logements, pas loin de la première enceinte du Kremlin, dans une belle rue dont une grande partie avait été préservée du feu. L’on désigna, pour notre compagnie, un grand café, car dans une des salles il y avait deux billards, et, pour nous autres sous-officiers, la maison d’un boyard tenant à la première. Nos soldats démontèrent les billards pour avoir plus de place ; quelques-uns, avec le drap, se firent des capotes.

Nous trouvâmes, dans les caves de l’habitation de la compagnie, une grande quantité de vin, de rhum de la Jamaïque, ainsi qu’une grande cave remplie de tonnes d’excellente bière recouvertes de glace pour la tenir fraîche pendant l’été. Chez notre boyard, quinze grandes caisses de vin de Champagne mousseux, et beaucoup de vin d’Espagne.

Nos soldats, le même jour, découvrirent un grand magasin de sucre dont nous eûmes soin de faire une grande provision qui nous servit à faire du punch, pendant tout le temps que nous restâmes à Moscou, ce que nous n’avons jamais manqué un seul jour de faire en grande recréation. Tous les soirs, dans un grand vase en argent