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surprise, pas un ne bougea ; ils nous regardèrent venir tranquillement, et celui qui était armé d’une lance se mit fièrement en posture de vouloir se défendre, si nous approchions. Cela nous était assez difficile, vu que nous n’avions que nos sabres. Mais le caporal arriva avec deux pistolets chargés qu’il venait de trouver dans la chambre où étaient les blessés ; il m’en donna un et, avec celui qui lui restait, il voulait abattre celui qui était armé d’une lance. Mais je l’en empêchai pour le moment, ne voulant pas faire de bruit, dans la crainte qu’il ne nous en tombât un plus grand nombre sur les bras.

Voyant cela, un Breton, qui se trouvait parmi nos hommes, se saisit d’un petit timon d’une des petites voitures, et faisant le moulinet, il avança contre l’individu qui, ne connaissant rien à cette manière de combattre, eut, au même instant, les deux jambes brisées. Il jeta, en tombant, un cri terrible, mais le Breton, en colère, ne lui laissa pas le temps d’en jeter un second, car il lui asséna un second coup tellement violent sur la tête, qu’un boulet de canon n’aurait pu mieux faire. Il allait en faire autant des deux autres, si nous ne l’avions arrêté. Celui qui avait une torche à la main ne voulait pas s’en dessaisir : il se sauva, avec son brandon enflammé, dans l’intérieur de la maison de l’épicier, où deux hommes le poursuivirent. Il ne fallut pas moins de deux coups de sabre pour le mettre à la raison. Tant qu’au troisième, il se soumit de bonne grâce, et fut aussitôt attelé à la voiture la plus chargée, avec un autre individu que l’on venait de saisir dans la rue.

Nous disposâmes tout pour notre départ. Nos deux voitures étaient chargées de tout ce que renfermait le magasin : sur la première, où nous avions attelé nos deux Russes, et qui était la plus chargée, nous avions mis le tonneau rempli d’œufs, et, pour ne pas que nos conducteurs puissent se sauver, nous avions eu la sage précaution de les attacher par le milieu du corps avec une forte corde et à double nœud ; la seconde devait être conduite par quatre hommes de chez nous, en attendant que nous puissions trouver un attelage, comme à la première.

Mais voilà qu’au moment où nous allions partir, nous apercevons le feu à la maison du carrossier ! L’idée que les