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Nous approchâmes d’un juif, nous lui fîmes comprendre qu’il fallait nous conduire sur la place du Gouvernement. Un père y vint avec son fils, et comme, dans ce labyrinthe de feu, les rues étaient coupées quelquefois par des maisons écroulées ou par d’autres enflammées, ce ne fut qu’après des détours et de grandes difficultés de trouver des issues, et après nous être reposés plusieurs fois, que nous arrivâmes, à onze heures de la nuit, à l’endroit d’où nous étions partis la veille.

Depuis que nous étions arrives à Moscou, je n’avais pas, pour ainsi dire, pris de repos ; aussi je me couchai sur de belles fourrures que nos soldats avaient rapportées en quantité, et je dormis jusqu’à sept heures du matin.

La compagnie n’avait pas encore été relevée de service, vu que tous les régiments, ainsi que les fusiliers, et même la Jeune Garde, à la disposition du maréchal Mortier, qui venait d’être nommé gouverneur de la ville, étaient occupés, depuis trente-six heures, à comprimer l’incendie qui, lorsque l’on avait fini d’un côté, recommençait d’un autre. Cependant l’on conserva assez d’habitations, et même au-delà de ce qu’il fallait, pour se loger, mais ce ne fut pas sans mal, car Rostopchin avait fait emmener toutes les pompes. Il s’en trouva encore quelques-unes, mais hors de service.

Pendant la journée du 16, l’ordre avait été donne de fusiller tous ceux qui seraient pris mettant le feu. Cet ordre avait, aussitôt, été mis à exécution. Pas loin de la place du Gouvernement, se trouvait une autre petite place où quelques incendiaires avaient été fusilles et pendus ensuite à des arbres : cet endroit s’appela toujours la place des Pendus.

Le jour même de notre entrée, l’Empereur avait donné l’ordre au maréchal Mortier d’empêcher le pillage. Cet ordre avait été donné dans chaque régiment, mais lorsque l’on sut que les Russes eux-mêmes mettaient le feu à la ville, il ne fut plus possible de retenir le soldat : chacun prit ce qui lui était nécessaire, et même des choses dont il n’avait pas besoin.

Dans la nuit du 17, le capitaine me permit de prendre dix hommes de corvée, avec leurs sabres, pour aller chercher