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Le lendemain 22 décembre, nous nous levâmes de grand matin ; un domestique vint nous apporter de la chandelle ; nous lui recommandâmes notre cheval en lui promettant de lui donner un pourboire lorsqu’il l’aurait mis au traîneau. On nous apporta la soupe, enfin ce que nous avions demandé. Alors chacun de nous flatta la bourgeoise en lui disant : « Bonne femme ! Belle femme ! » et en lui donnant des petites claques sur le dos, sur les bras, et puis ailleurs ; le repas fini, nous nous disposions à partir ; le traîneau était prêt et nous disions adieu à la femme, lorsqu’elle nous dit : « C’est bien, messieurs, mais avant de partir n’oubliez pas de payer ! — Comment, payer ? Ne sommes-nous pas ici par billet de logement ? Ne devez-vous pas nous nourrir ? — Oui, répondit-elle, pour ce que vous avez mangé hier, mais pour la nourriture d’aujourd’hui il me faut deux thalers (10 francs). » Je déclarai que je ne payerai pas, et comme la femme voyait que nous nous disposions à partir sans lui donner de l’argent, elle ordonna de fermer la porte, et une douzaine de grands coquins de Prussiens entrèrent dans la maison, armés de grands bâtons de la grosseur de mon bras. Ce n’était pas le cas de discuter : nous payâmes et nous partîmes. Autre temps, autres mœurs. À présent, nous étions les moins forts.

Les chasseurs étaient partis pendant que nous mangions. Nous avions encore deux jours de marche jusqu’à Elbing, douze lieues, mais comme nous ne voulions pas fatiguer notre cheval, nous décidâmes que nous irions loger à trois lieues de cette ville.

Après une lieue de marche, nous aperçûmes plusieurs traîneaux venant sur notre gauche pour marcher aussi sur Elbing. Cela nous fit penser que nous n’avions pas suivi la route que les débris de l’armée avaient prise, car au lieu d’aller sur Eylau, nous devions nous diriger sur Friedland.

Un traîneau de grande dimension et traîné par deux chevaux vigoureux passa près de nous. Il allait tellement vite que nous ne pûmes distinguer de quel régiment étaient les militaires qu’il conduisait. Au bout d’une demi-heure, nous aperçûmes une maison d’assez belle apparence, c’était la poste aux chevaux, et, en même temps, une bonne auberge ; nous vîmes, sur la porte, plusieurs soldats de la Garde et