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me disant : « Pauvre petit Français, il y a six mois, lorsque tu passas par ici, c’était fort bien, tu étais le plus fort ; mais aujourd’hui, c’est différent ! Tu donneras ce que je te demande, où j’empêche mon mari de mettre le cheval au traîneau et je vous fais prendre par les Cosaques ! » Je lui répondis que je me moquais des Cosaques comme des Prussiens : « Oui, me répondit-elle, si tu savais qu’ils sont près d’ici, tu ne dirais pas cela ! » Alors voyant toute la méchanceté de cette femme, je l’attrapai par le cou pour l’étrangler, mais elle fut plus forte que moi, elle me renversa sur la paille et c’était elle, à son tour, qui voulait m’étrangler. Fort heureusement qu’un grand coup de pied dans le derrière, donné par un de mes camarades, la fit relever. Dans ce moment, le mari entra, mais ce fut pour recevoir un grand coup de poing de sa chère femme qui était comme une furie, qui lui dit qu’il n’était qu’un grand lâche et que, s’il n’allait pas, de suite, chercher les voisins et les Cosaques, elle lui arracherait les yeux. Comme nous étions cinq contre deux, nous l’empêchâmes de sortir de la maison et nous le forçâmes de mettre le cheval au traîneau, mais il fallut donner ce que cette coquine avait demandé ; il n’y avait pas à marchander, les Cosaques étaient proches. Avant de partir, je dis à cette diablesse que, si je revenais, je lui ferais rendre avec usure l’argent que nous lui donnions. À cela, elle me répondit en me crachant à la figure ; comme je voulais riposter à cette insulte par un coup de crosse de fusil, mes camarades m’en empêchèrent.

Nous nous plaçâmes sur le traîneau pour partir au plus vite.

Ce jour-là, 19 décembre, nous allâmes coucher à Insterbourg, où nous arrivâmes à la nuit ; nous fûmes logés chez de braves gens.

Le lendemain 20, c’était un dimanche ; nous partîmes de grand matin pour aller coucher à Eylau. Là, nous allâmes directement à la Maison de Ville, où l’on nous donna, sans difficulté, un billet de logement. Nous fûmes encore chez de bonnes gens, chez qui nous trouvâmes un bon feu ; on nous offrit à chacun un verre de genièvre. Ensuite, notre bourgeoise alla chercher nos vivres avec notre billet de logement, car les communes venaient de recevoir l’ordre de nous donner les vivres.