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du traîneau fit, sur moi, l’effet du mal de mer ; j’eus des vomissements. Je voulus, avant d’arriver, marcher un peu à pied, mais je faillis périr de froid, car il était devenu insupportable. Heureusement, mes camarades s’aperçurent de ma triste position, firent arrêter le traîneau et vinrent me chercher : je ne pouvais plus avancer. Quand nous arrivâmes à Gumbinnen, il était temps ! On nous donna un billet de logement pour nous cinq, et nous eûmes une chambre bien chaude et de la paille.

Lorsque nous fûmes installés, la première chose que nous fîmes, fut de demander si, pour de l’argent, nous ne pourrions pas avoir à boire et à manger. Le bourgeois, qui avait l’air d’un brave homme, nous répondit qu’il ferait son possible pour nous donner ce que nous demandions : une heure après, il nous apporta de la soupe, une oie rôtie et des pommes de terre, de la bière et du genièvre. Nous dévorions le tout des yeux, mais, malheureusement, l’oie était tellement coriace, que nous ne pûmes en manger que très peu, et ce peu faillit nous étouffer ; nous en fûmes réduits aux pommes de terre.

Je fus, avec le sergent-major Oudict, voir, dans la ville, si nous ne trouverions pas quelque chose à acheter : le hasard nous conduisit dans une maison où Oudict rencontra un chirurgien-major de son pays. Il était logé avec deux officiers et trois soldats, reste du régiment.

Ils étaient dans un état pitoyable ; ils avaient presque tous perdu les doigts des pieds et des mains ; pendant que nous étions dans cette maison, un individu nous proposa de nous vendre un cheval et un traîneau, que nous nous empressâmes d’acheter pour la somme de 80 francs.

Le lendemain 18, après avoir essayé de manger de notre oie, qui n’était pas plus tendre que la veille, nous montâmes sur notre traîneau et nous partîmes pour aller coucher à Wehlau ; mais à peine fûmes-nous hors de la ville, que Pierson, qui conduisait le traîneau et qui n’y entendait rien, nous fit faire une culbute, brisa le brancard, et nous jeta sur la neige. Nous nous trouvions près d’une maison où nous entrâmes pour le faire réparer : pendant que le paysan était occupé à cette besogne, nous l’étions à nous chauffer, et, lorsque nous fûmes pour nous mettre en route, nous fûmes