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de cheval. Il fut, comme vous le pensez, on ne peut plus surpris, et regarda le Cosaque comme pour lui dire de me passer sa lance au travers du corps. Pendant ce temps, le domestique, qui avait vu mon mouvement, voulut se jeter sur moi, et, comme il avait un gros bâton, il fit un mouvement pour m’assommer, mais, sans lâcher la bride du cheval, je le frappai d’un si grand coup de crosse de pistolet dans la poitrine, que je l’envoyai tomber à quatre pas et le menaçai de le tuer, s’il avait le malheur de faire un mouvement pour se relever. Pendant ce temps, mon frère observait le bourgmestre, auquel il dit qu’il fallait descendre de cheval, mais il était tellement saisi, qu’il se le fit répéter plusieurs fois. Enfin il descendit, et je donnai sa monture à tenir à mon frère.

« Sans perdre de temps, j’ôtai au domestique ses bottes, sa capote et son bonnet. Alors, enlevant ma capote, mon habit et mon bonnet de police, je le lui mis sur la tête et le forçai à mettre mon habit, de sorte qu’à son tour il avait l’air d’un prisonnier.

« Imaginez-vous la figure du bourgmestre en voyant son domestique habillé de la sorte ! Mais ce n’était pas tout : je dis à mon frère, qui était descendu de cheval, d’observer le domestique, pendant que je ferais changer de costume à son maître qui, sur mon invitation, et sans se faire prier, me donna sa capote, ses bottes et son bonnet. Je lui donnai, en échange, ma capote et le bonnet de son domestique. Ensuite je fis mettre à mon frère la capote et les bottes de ce dernier et, lorsqu’il fut complètement habillé, à cheval et en position de garder les deux individus, à mon tour je m’habillai de la dépouille du bourgmestre. J’enfourchai la monture que mon frère tenait par la bride ; ensuite il me donna son sabre, et nous partîmes au galop, laissant nos deux Prussiens saisis et ne sachant probablement pas si mon frère était, ou non, un vrai Cosaque. Il faut dire aussi la vérité : nous n’étions pas à notre aise, car, quoique déguisés, nous avions peur de tomber entre les griffes des Cosaques dont le bourgmestre nous avait parlé avant notre départ.

« Après dix minutes de marche au galop, nous arrivâmes dans un petit village où les habitants, en nous voyant, se mirent à crier : « Hourra ! Hourra ! Nos amis les Cosaques,