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meau qui se trouvait sur le cheval. Après une demi-heure de marche, nous arrivâmes sur la route ; ensuite, tournant dans la direction de Gumbinnen, nous aperçûmes des paysans occupés à enlever les roues d’un caisson abandonné. Pour ne point passer près d’eux, nous prîmes un chemin sur notre gauche, qui nous conduisit à l’entrée d’un village que nous aurions bien voulu éviter, tant nous avions crainte de retomber entre les griffes de nos ennemis. Dieu sait ce qu’il nous en serait arrivé, car, nous voyant possesseurs d’un cheval et d’une arme appartenant à l’un des leurs, ils pouvaient penser que nous avions tué l’individu à qui tout cela avait appartenu !

« Nous étions arrêtés pour délibérer, lorsque nous entendîmes du bruit derrière nous ; aussitôt nous voulons fuir, mais il n’y avait pas possibilité, car la grande quantité de neige, des deux côtés du chemin, nous empêchait d’entrer dans les terres. Notre position devenait critique et je n’osais communiquer à mon frère les sensations que j’éprouvais, plus pour lui que pour moi, à cause de sa blessure.

« Nous allions continuer à marcher droit devant nous, lorsque nous aperçûmes ceux qui nous avaient causé tant de frayeur ; ils n’étaient qu’à quelques pas de nous. Ils s’arrêtèrent en nous criant en allemand : « Bonsoir, amis Cosaques ! — Attention ! Dis-je à mon frère ; tu es Cosaque, et moi je suis ton prisonnier. Tu parles un peu allemand, ainsi du sang-froid ! » Comme il avait sur la tête un mauvais bonnet de police, je le changeai contre le mien qui ressemblait à celui d’un Cosaque. Nous reconnûmes ces paysans pour ceux que nous avions vus, un instant avant, sur la route, autour du caisson. Ils étaient quatre, et traînaient avec des cordes deux des roues qu’ils avaient enlevées : mon frère leur demanda s’il y avait des camarades Cosaques dans le village ; ils lui dirent que non : « Alors, dit-il, conduisez-moi chez le bourgmestre, car j’ai froid et faim, puis, je suis blessé et obligé de conduire ce prisonnier français ». Alors il y en eut un qui nous dit que, depuis le matin, ils attendaient les Cosaques, et qu’ils auraient bien fait d’arriver, car plus de trente français avaient logé la nuit dernière et on les avait presque tous désarmés au moment de leur départ.