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neige y était en plus grande quantité, de sorte que, plusieurs fois, je tombai. Une dernière fois je me relève, je regarde le Ciel, je m’en prends à Dieu, qui veillait sur moi ; au moment où je me demandais si je ne ferais pas mieux de retourner au bivac des Cosaques, je me trouvai à l’extrémité de la forêt et sur la route. Là, je tombe à genoux, et je remercie Celui contre lequel je venais de m’emporter.

Je marchai droit devant moi : le chemin était bon, c’était bien celui que je devais suivre, mais le vent, que je ne sentais pas dans le bois, soufflait avec assez de force pour se faire sentir à la partie de mes jambes qui n’était pas couverte ; mon amazone, qui était longue, me garantissait un peu du froid.

Chose singulière, je n’avais pas faim ; je ne sais si les émotions que j’avais éprouvées, depuis le hourra, en étaient la cause, ou si c’était l’effet de mon indisposition, car, depuis mon départ de l’écurie où j’avais mangé de la soupe et un morceau de viande, je n’avais pas éprouvé le besoin de manger. Cependant, pensant que je devais encore avoir un morceau de viande dans ma carnassière, je le cherchai et fus assez heureux pour le retrouver, et, quoique durci par la gelée, je le mangeai sans discontinuer de marcher. Après mon repas, je levai la tête ; j’aperçus, sur ma gauche, deux cavaliers paraissant marcher avec circonspection et, plus loin, sur la route, un individu qui semblait marcher mieux que moi. Je doublai le pas pour le rejoindre, mais tout à coup je ne le vis plus.

En regardant sur la droite, j’aperçus une petite cabane et, comme il n’y avait pas de porte fermée, j’entrai. Mais à peine avais-je fait deux pas dans l’intérieur, que j’entendis résonner une arme, et une grosse voix se fit entendre : « Qui va là ? » Je répondis : « Ami ! » et j’ajoutai : « Soldat de la Garde ! — Ah ! ah ! Répondit-on, d’où diable sortez-vous, mon camarade, que je ne vous ai pas rencontré depuis que je marche seul ? » Je lui contai une partie de ce qui m’était arrivé depuis le hourra des Cosaques, dont il me dit n’avoir pas entendu parler.

Nous sortîmes pour nous mettre en marche : je m’aperçus que mon nouveau camarade était un vieux chasseur à pied de la Garde, et qu’il portait, sur son sac et autour de son