Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/293

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

terre deux gros sacs de pièces de cinq francs. Tout cela n’était que pour amuser ceux qui arrivaient, car je compris qu’ils venaient de trouver de l’or. Les mots de « jaunets » et de « pièces de quarante francs » avaient été prononcés.

Je pris le fusil d’un des grenadiers occupés à prendre de l’or, je laissai le mien qui était rempli de neige, et je m’en retournai à la sortie du pont afin de reprendre ma direction première, car, pour moi, il n’y en avait pas d’autre.

À peine arrivé près du pont, je rencontrai M. le capitaine Debonnez, des tirailleurs de la Garde, dont j’ai déjà eu l’occasion de parler plusieurs fois. Il était avec son lieutenant et un soldat ; c’était là toute sa compagnie ; le reste était, comme il me le dit, fondu. Il avait un cheval cosaque avec lequel il ne savait où passer. Je lui contai en peu de mots l’état malheureux où je me trouvais. Pour toute réponse, il me donna un gros morceau de sucre blanc où il avait versé de l’eau-de-vie ; ensuite, nous nous séparâmes, lui pour descendre avec son cheval sur le Niémen, et moi pour, en mordant dans mon sucre, recommencer pour la troisième fois mon ascension. À peine arrivé où je devais monter, j’entendis que l’on m’appelait ; c’était le brave Grangier, qui était descendu de la côte et qui me cherchait. Il me demanda pourquoi je ne l’avais pas suivi. Je lui en dis la cause. Voyant cela, il marcha devant moi en me tirant par son fusil dont je tenais le bout du canon. Enfin, ce fut avec bien de la peine, avec le secours de ce bon Grangier et en mordant dans mon morceau de sucre à l’eau-de-vie, que j’arrivai en haut de la côte, abîmé d’épuisement.

Plusieurs de nos amis nous attendaient : Leboude, sergent-major ; Oudict, sergent-major ; Pierson, idem ; Poton, sergent. Les autres s’étaient dispersés, marchant, comme nous, par fractions. La certitude que l’on avait d’un mieux, en entrant en Prusse, influait sur notre caractère et commençait à nous rendre indifférents l’un pour l’autre.

De l’endroit où nous étions, nous pouvions découvrir la route de Wilna, les Russes qui marchaient sur Kowno, et d’autres plus rapprochés, mais la présence du maréchal Ney, avec une poignée d’hommes, les empêchait de venir plus avant. Nous vîmes venir sur nous un individu qui marchait avec peine, appuyé sur un bâton de sapin. Lors-