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rurgien, l’amputation de la cuisse droite à deux canonniers de la Garde impériale russe.

Lorsque l’opération fut terminée, il leur fit donner à chacun un verre de vin. Ensuite, il se promena sur le bord du ravin, en contemplant la plaine qui se trouve de l’autre côté, bornée par un bois. C’est là que, la veille, il avait fait mordre la poussière à plus d’un Moscovite, lorsqu’il chargea, avec sa cavalerie, l’ennemi qui était en retraite. C’est là qu’il était beau de le voir, se distinguant par sa bravoure, son sang-froid et sa belle tenue, donnant des ordres à ceux qu’il commandait et des coups de sabre à ceux qui le combattaient. On pouvait facilement le distinguer à sa toque, à son aigrette blanche et à son manteau flottant.

Le 9 au matin, nous quittâmes le champ de bataille et nous arrivâmes, dans la journée, à Mojaïsk. L’arrière-garde des Russes était en bataille sur une hauteur, de l’autre côté de la ville occupée par les nôtres. Une compagnie de voltigeurs et de grenadiers, forte au plus de cent hommes du 33e de ligne, qui faisait partie de l’avant-garde, montait la côte sans s’inquiéter du nombre d’ennemis qui l’attendaient. Une partie de l’armée, qui était encore arrêtée dans la ville, les regardait avec surprise, quand plusieurs escadrons de cuirassiers et de cosaques s’avancent et enveloppent nos voltigeurs et nos grenadiers. Mais, sans s’étonner et comme s’ils avaient prévu cela, ils se réunissent, se forment par pelotons, ensuite en carré, et font feu des quatre faces sur les Russes qui les entourent.

Vu la distance qui les sépare de l’armée, on les croit perdus, car l’on ne pouvait pas arriver jusqu’à eux pour les secourir. Un officier supérieur des Russes s’étant avance pour leur dire de se rendre, l’officier qui commandait les Français répondit à cette sommation en tuant celui qui lui parlait. La cavalerie, épouvantée, se sauva et laissa les voltigeurs et grenadiers maîtres du champ de bataille[1].

Le 10, nous suivons l’ennemi jusqu’au soir, et, lorsque nous nous arrêtons, je suis commandé de garde près d’un château où est logé l’Empereur. Je venais d’établir mon

  1. Un de mes amis, un vélite, le capitaine Sabatier, commandait les voltigeurs. (Note de l’auteur.)