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IX

De la Bérézina à Wilna. — Les juifs.


Il n’y avait pas une demi-heure que je marchais en avant du régiment, lorsque je rencontrai un sergent des fusiliers-chasseurs que je connaissais. Comme je lui voyais l’air assez content (chose excessivement rare), je lui demandai s’il avait quelque chose à manger : « J’ai, me dit-il, trouvé quelques pommes de terre dans le village où nous sommes ». Alors je levai la tête et m’aperçus que nous étions, effectivement, dans un village. Je ne l’avais pas encore remarqué, marchant toujours absorbé, et la tête baissée.

Au nom de pommes de terre, je l’arrêtai pour lui demander dans quelle maison du village il les avait trouvées. Je m’empressai d’y courir, autant que mes jambes me le permettaient, et j’eus le bonheur, après bien des recherches et du mal, de trouver, sous un four, trois petites pommes de terre, un peu plus grosses que des noix, que je fis cuire à moitié dans un feu abandonné et un peu écarté de la route, dans la crainte d’être vu. Lorsqu’elles furent cuites assez, je les mangeai avec un morceau de cheval, mais sans goût, car la fièvre que j’avais depuis plusieurs jours m’avait cassé l’appétit ; aussi je jugeais que, si cela devait durer encore quelques jours, j’étais perdu.

Le régiment venant à passer, je repris mon rang, et nous marchâmes jusqu’à Ziembin, où l’Empereur était déjà arrivé avec une partie de la Garde. Nous le vîmes qui regardait du côté de la route de Borisow, sur notre gauche, où l’on