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pas décampé, et qu’on allait se battre. La veille au soir et une partie de la nuit, il était tombé une pluie fine et froide, mais, pour ce grand jour, il faisait un temps et un soleil magnifiques.

Cette bataille fut, comme toutes nos grandes batailles, à coups de canon, car, au dire de l’Empereur, cent vingt mille coups furent tirés par nous. Les Russes eurent au moins cinquante mille hommes, tant tués que blessés. Notre perte fut de dix-sept mille hommes ; nous eûmes quarante-trois généraux hors de combat, dont huit, à ma connaissance, furent tués sur le coup. Ce sont : Montbrun, Huard, Caulaincourt (le frère du grand écuyer de l’Empereur), Compère, Maison, Plauzonne, Lepel et Anabert. Ce dernier était colonel d’un régiment de chasseurs à pied de la Garde, et comme, à chaque instant, l’on venait dire à l’Empereur : « Sire, un tel général est tué ou blessé », il fallait le remplacer de suite. Ce fut de cette manière que le colonel Anabert fut nommé général. Je m’en rappelle très bien, car j’étais, en ce moment, à quatre pas de l’Empereur qui lui dit : « Colonel, je vous nomme général ; allez vous mettre à la tête de la division qui est devant la grande redoute, et enlevez-la ! »

Le général partit au galop, avec son adjudant-major, qui le suivit comme aide de camp.

Un quart d’heure après, l’aide de camp était de retour, et annonçait à l’Empereur que la redoute était enlevée, mais que le général était blessé. Il mourut huit jours après, ainsi que plusieurs autres.

L’on a assuré que les Russes avaient perdu cinquante généraux, tant tués que blessés. Pendant toute la bataille, nous fûmes en réserve, derrière la division commandée par le général Friant : les boulets tombaient dans nos rangs et autour de l’Empereur.

La bataille finit avec le jour, et nous restâmes sur l’emplacement, pendant la nuit et la journée du 8, que j’employai à visiter le champ de bataille, triste et épouvantable tableau à voir. J’étais avec Grangier. Nous allâmes jusqu’au ravin, position qui avait été tant disputée pendant la bataille.

Le roi Murat y avait fait dresser ses tentes. Au moment où nous arrivions, nous le vîmes faisant faire, par son chi-