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une bande et un mouchoir. Nous trouvâmes la balle logée dans des chiffons dont le fond de son bonnet était rempli. L’aile gauche de l’aigle impériale, placée sur le devant du bonnet, était traversée. Tout en faisant l’inspection de ce qu’il contenait, il jeta un cri de joie : c’était sa pipe qu’il venait de retrouver, un vrai brûle-gueule qui n’avait pas trois pouces de long. Aussi alluma-t-il de suite le tabac : il n’avait pas fumé depuis Smolensk.

Lorsque nos pieds furent lavés, on nous les essuya avec des peaux d’agneaux, que l’on mit ensuite dessous pour nous servir de tapis. L’on mit sur la plaie de mon pied une graisse qui, m’assurait-on, devait me guérir en peu de temps. L’on me montra la manière dont je devais m’en servir, et l’on m’en mit dans un morceau de linge que je renfermai dans la giberne du docteur, avec tous les instruments qui avaient servi à panser la tête de Picart.

Nous étions déjà beaucoup mieux. Nous les remerciâmes des soins qu’ils nous donnaient. Le Polonais nous fit comprendre qu’il était au désespoir, vu les circonstances, de ne pouvoir mieux faire ; qu’il faut, en voyage, loger ses ennemis et leur laver les pieds, à plus forte raison à ses amis. Dans ce moment, nous entendîmes la vieille femme jeter un cri et courir : c’était un grand chien que nous n’avions pas encore vu, qui emportait le bonnet à poil de Picart. On voulait le battre, mais nous demandâmes sa grâce.

Je proposai à Picart de faire la visite du portemanteau qui était encore sur le cheval. Il se fit conduire près de l’animal : rien ne lui manquait. Il prit le portemanteau, qu’il apporta près du poêle. Nous y trouvâmes premièrement neuf mouchoirs des Indes tissés en soie : « Vite, dit Picart, chacun deux à nos princesses, et un à la vieille, et gardons les autres ! » Cette première distribution fut vite faite, au grand contentement des personnes qui les recevaient. Nous trouvâmes, ensuite, trois paires d’épaulettes d’officier supérieur, dont une de maréchal de camp ; trois montres en argent, sept croix d’honneur, deux cuillers en argent, plus de douze douzaines de boutons de hussard dorés, deux boîtes de rasoirs, six billets de banque de cent roubles, plus un pantalon en toile taché de sang. J’espérais trouver une chemise, malheureusement il ne s’en trouva