Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

batterie de son fusil, y mit un peu de poudre et, y ayant mis le morceau de linge, lâcha la détente : l’amorce brûla et le linge s’enflamma, mais une détonation terrible se fit entendre et, répétée, par les échos, nous fit craindre d’être découverts.

Le pauvre Picart, depuis la scène des prisonniers, et ce qu’il avait entendu dire par l’officier touchant la position de l’Empereur et de l’armée, n’était plus le même. Cela avait influencé sur son caractère et même, par moments, il me disait qu’il avait fort mal à la tête ; que ce n’était pas la suite du coup de pistolet reçu du Cosaque, mais une chose qu’il ne pouvait pas m’expliquer. Tout cela lui avait fait oublier que son arme était chargée. Après le coup, il resta quelque temps sans rien dire et n’ouvrit la bouche que pour se traiter de conscrit et de vieille ganache. Nous entendîmes plusieurs chiens répondre au bruit de l’arme. Alors il me dit qu’il ne serait pas surpris que l’on vienne, dans un instant, nous traquer comme des loups ; quoique, de mon côté, j’étais encore moins tranquille que lui, je lui dis, pour le rassurer, que je ne craignais rien à l’heure qu’il était et par le temps qu’il faisait.

Au bout d’un instant, nous eûmes un bon feu, car le bois qui était près de nous et en grande quantité, était très sec. Une découverte qui nous fit plaisir, c’est de la paille que nous trouvâmes derrière un tas de bois où, probablement, des paysans l’avaient cachée. Il semblait, par cette trouvaille, que la Providence pensait encore à nous, car Picart, qui l’avait découverte, vint me dire : « Courage ! mon pays, voilà ce qui nous sauve, du moins pour cette nuit. Demain Dieu fera le reste, et si, comme je n’en doute pas, nous avons le bonheur de rejoindre l’Empereur, tout sera fini ! » Picart pensait, comme tous les vieux soldats idolâtres de l’Empereur, qu’une fois qu’ils étaient avec lui, rien ne devait plus manquer, que tout devait réussir, enfin, qu’avec lui il n’y avait rien d’impossible.

Nous approchâmes notre cheval ; nous lui fîmes une bonne litière avec quelques bottes de paille. Nous lui en mîmes aussi pour manger, en le tenant toujours bride et le portemanteau, que nous n’avions pas encore visité, sur le dos afin d’être prêts à partir à la première alerte. Le reste