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marche, nous regardâmes encore en arrière : nous aperçûmes nos deux individus en arrière l’un de l’autre de plus de trente pas. Il est probable que le premier nous avait aperçus, car il doubla le pas de son cheval, comme pour s’assurer de quelque chose. Ensuite il s’arrêta de manière à attendre celui qui le suivait. Nous pouvions les voir sans être vus, car nous étions rentrés précipitamment dans le bois. Notre but était de les attirer le plus loin possible, afin que ceux qui étaient à la pêche de leurs camarades ne pussent venir à leur secours, si un combat s’engageait. Pour cela, nous marchions le plus vite possible, mais difficilement, quelquefois dans le bois, ensuite dehors, suivant le terrain.

Il y avait déjà une demi-heure que nous étions à faire cette manœuvre, lorsque nous fûmes arrêtés par un banc de neige qui allait se perdre dans un ravin sur notre droite. Nous fûmes forcés de faire quelques pas en arrière, afin de chercher une issue pour entrer dans la forêt et nous y cacher. Un instant après, les Cosaques étaient près de nous, et nous aurions pu les descendre facilement, mais Picart, qui savait faire la guerre, me dit : « C’est de l’autre côté du banc de neige que je veux les avoir ; il ne sera pas facile aux autres de leur porter secours ! »

Lorsqu’ils virent qu’il n’y avait pas possibilité de franchir cet obstacle, ils prirent le galop et nous les vîmes descendre dans le ravin et chercher à tourner le banc de neige. De notre côté, nous avions trouvé un passage qui nous fit arriver, presque en même temps, de l’autre côté. De l’endroit où nous étions, nous pouvions les apercevoir sans être vus. Nous profitâmes du moment qu’ils étaient dans le fond pour sortir de la forêt et marcher plus à notre aise, mais, au moment où nous pensions en être débarrassés pour un temps et où je m’arrêtais pour respirer, car les jambes commençaient à me manquer, Picart, se retournant pour voir si je le suivais, aperçoit à une petite distance derrière moi, nos deux drôles qui cherchaient à nous surprendre, pendant que nous les pensions en avant. Aussitôt nous rentrons dans la forêt. Nous faisons plusieurs détours, nous revenons à l’entrée, et nous les voyons qui marchent encore à distance l’un de l’autre, mais doucement. Nous rentrons