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hommes furent grièvement blessés. Je marchais derrière la compagnie, ayant toujours, autant que possible, les yeux sur mon porteur de sac, et même je regrettais déjà de le lui avoir confié ; aussi je me proposais bien de le lui reprendre le soir même, en arrivant au bivac. Enfin la nuit arriva, mais tellement obscure, qu’il était impossible de se voir. À chaque instant j’appelais : « Labbé ! Labbé ! » Il me répondait : « Présent ! mon sergent. » Mais une autre fois que je l’appelais encore, un soldat me répondit qu’il y avait un instant, il était tombé, mais que, probablement, il suivait derrière le régiment. Je ne m’en inquiétai pas beaucoup, car nous devions, dans peu, arrêter et prendre position. En effet, l’on fit halte sur la route où l’on nous annonça que nous allions passer la nuit, ainsi que dans les environs. Dans ce moment, presque toute l’armée se trouvait réunie ; il manquait seulement le corps d’armée du maréchal Ney, qui se trouvait en arrière, et que l’on croyait perdu.

Dans cette triste nuit, chacun s’arrangea comme il put ; nous nous trouvions plusieurs sous-officiers réunis et nous nous étions emparés d’une grange, car nous étions, sans le savoir, près d’un village. Beaucoup d’hommes du régiment y étaient entrés avec nous, mais ceux qui arrivèrent un instant après, voyant qu’il n’y avait pas, pour eux, de quoi s’abriter, firent ce que l’on faisait en pareille circonstance : ils montèrent sur le toit, sans que nous pussions nous y opposer, et, en un instant, nous fûmes aussi bien qu’en plein champ. Dans le moment, l’on vint nous dire que, plus loin sur la route, il y avait une église — c’était un temple grec — que l’on avait désignée pour notre régiment, mais qu’elle se trouvait occupée par des soldats de différents régiments, marchant à volonté, et qu’ils ne voulaient pas qu’on y entrât.

Lorsque nous fûmes bien informés où ce temple était situé, nous nous réunîmes à une douzaine de sous-officiers et caporaux, et nous partîmes pour y aller. Nous eûmes bientôt trouvé l’endroit, puisque c’était sur la route ; lorsque nous nous présentâmes pour y entrer, nous trouvâmes de l’opposition de la part de ceux qui s’en étaient emparés. C’était une réunion d’Allemands, d’Italiens, et aussi quelques Français, qui commencèrent par vouloir nous intimider