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batterie pour les chasser. Aussi, aux premiers coups que l’on tira, on les vit disparaître derrière les hauteurs, et nous continuâmes à marcher.

Dans cette circonstance, il s’est passé un fait que je ne dois pas passer sous silence, et dont j’ai eu connaissance pour en avoir entendu parler, mais différemment conté, et même écrit.

L’on a dit qu’au moment où l’on aperçut les Russes, les premiers régiments de la Garde se groupèrent, ainsi que l’état-major, autour de l’Empereur, et que, de cette manière, l’on marcha comme si l’ennemi ne fût pas devant nous ; que la musique joua l’air :

Où peut-on être mieux qu’au sein de sa famille ?


et que l’Empereur interrompit la musique en ordonnant de jouer :

Veillons au salut de l’Empire !


Le fait que l’on rapporte s’est bien passé, mais d’une manière toute différente, car c’est à Smolensk même que la chose s’était passée. Je crois ne pas me tromper en disant que c’est le jour même de notre départ de cette ville que j’en ai entendu parler.

Le prince de Neufchâtel, alors ministre de la guerre, voyant que l’Empereur ne donnait pas d’ordre de départ et l’inquiétude de toute l’armée à cet égard, vu l’impossibilité de rester dans une aussi triste position, réunit quelques musiciens et leur ordonna de jouer, sous les croisées de la maison où l’Empereur était logé, l’air :

Où peut-on être mieux qu’au sein de sa famille ?


À peine avait-on commencé, que l’Empereur se montra sur le balcon, et qu’il commanda de jouer :

Veillons au salut de l’Empire !


que les musiciens exécutèrent tant bien que mal, malgré leur misère.

Un instant après, l’ordre du départ fut donné pour le lendemain matin. Comment croire que les malheureux musi-