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connais maintenant ! Si, jour par jour, heure par heure, tu t’étais penchée sur cette âme pour l’estimer, pour l’admirer, pour l’aimer davantage, à chaque nouvelle preuve de sa beauté ! … Jamais un doute, jamais une défiance, jamais une petitesse dans cet esprit resté tout neuf et pour qui le mal n’existe point, qui ne le voit point, qui ne le connaît point. Je n’avais pas causé avec lui trois fois, je comprenais tout ce qu’Olivier m’en avait dit, ce qui jadis, dans nos entretiens de Rome, provoquait tantôt mon incrédulité, tantôt ma colère. Ce respect, cette vénération plutôt, qu’il m’avouait ressentir devant cette candeur et cette droiture, je l’éprouvais à mon tour. Ah ! ce fut là, dans le charme dont j’étais enlacée, une impression que je peux à peine dire, tant l’amertume s’y mélangeait à l’enchantement. Toutes les phrases dont Olivier se servait jadis pour me parler de son ami m’étaient revenues dès le premier jour, et, à chaque nouvelle rencontre, je constatais comme elles étaient fines, comme elles étaient vraies… Cet Olivier que nous n’avons jamais nommé, dont Pierre Hautefeuille ignore même que je le connais, il n’a jamais cessé d’être entre nous ! C’est lui qui m’a appris à mieux comprendre celui que j’aime, à mieux l’aimer à travers ce qu’il m’en a dit autrefois ! … Et cependant, à travers cette amertume, l’enchantement continuait… Je me laissai d’abord aller à cette surprise de désapprendre ma basse vengeance auprès de cette nature si délicate, si jeune et que je respirais comme je respire cette fleur… »