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solides méthodes Allemandes, la baronne avait trouvé, d’abord dans la fréquentation de l’archiduc, puis dans ses longs séjours en Italie, des occasions d’une culture exceptionnelle, et son souple esprit de demi-Slave en avait profité. Hélas ! à quoi lui servait cette rare instruction, cette facilité à tout comprendre, ce goût des idées, puisqu’elle n’en tirait ni de quoi gouverner ses caprices, — son attitude à la table de roulette venait de le prouver, — ni de quoi gouverner sa pensée, — la sombre profession de foi qu’elle venait de laisser échapper le prouvait trop ? … — Cette indigence intime parmi tant de dons et de chances extérieures saisit une fois de plus la fidèle amie qui n’avait jamais voulu admettre certaines négations chez son ancienne compagne du Sacré-Cœur, et elle lui dit :

— « Tu parles de nouveau comme si tu ne croyais pas à une autre vie. Est-il possible que tu sois sincère ? »

— « Non, je n’y crois pas, » répondit la baronne, en secouant sa jolie tête autour de laquelle un souffle d’air faisait trembler les longs poils soyeux de son collet en zibeline. « Mon mari n’a eu que cette bonne influence sur moi, mais il l’a eue. Il m’a guérie de cette faiblesse qui n’ose pas regarder en face la vérité… La vérité, c’est que l’homme n’a jamais pu rencontrer ici-bas la trace d’une Providence, d’une pitié venue d’en haut, d’une justice, un signe, un seul signe, qu’il y ait au-dessus de nous, quoi que ce soit, sinon