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et, la tête penchée, il écoutait les voix s’éloigner. L’archiduc et son lieutenant achevaient, sans doute, de faire cerner le jardin. Pierre était perdu…

Pierre était perdu ! … Olivier se releva tout à fait. La possibilité de sauver cet ami qu’il avait tant aimé venait de lui apparaître. S’il entrait dans le jardin lui-même sans être vu, s’il se glissait jusqu’à cette porte de la serre dont un des guetteurs avait parlé et par où devait évidemment sortir celui qu’on voulait tuer ? S’il se précipitait ensuite de façon à faire croire qu’il s’échappait de la villa ? … L’idée de cette substitution et de ce dévouement s’empara avec une force irrésistible de cet homme malheureux qui venait de tant désirer la mort. Il se mit à ramper dans l’ombre, d’abord du talus, puis du mur, qu’il franchit à son tour presque à la même place par où l’autre avait passé, et il commença d’aller droit devant lui, vers la villa… Elle se dressait, toujours muette, toujours endormie, sans qu’un rais de lumière apparût dans l’interstice des fenêtres fermées. Olivier la regardait de ses yeux fixes avec une étrange ardeur. Qu’il aurait voulu pouvoir en percer les murs, y entrer lui-même en esprit, y apparaître à celui pour lequel il risquait sa vie ! … Hélas ! Aurait-il conservé le courage de son martyre s’il avait réellement vu la chambre d’Ely telle qu’elle était à ce moment même, et, à la lueur voilée d’un globe rose sa tête auprès de la tête