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Des hommes marchaient sans lumière, mesurant leurs pas, étouffant leurs paroles. Ils arrivèrent si près d’Olivier que celui-ci les aurait touchés s’il se fût mis debout.

— « C’est par là qu’il est entré et sorti les autres nuits, monseigneur, » disait une des voix, chuchotante, insinuante, presque imperceptible : « c’est par là qu’il sortira, nous sommes sûrs de ne pas le manquer… »

— « Et vous êtes certain que pas un de vos hommes ne soupçonne la vérité ? » répondit une autre voix, celle-ci à peine dissimulée.

— « Pas un, monseigneur ; ils croiront tous tirer sur un voleur. »

— « Monsieur de Laubach, » reprit une troisième voix, « le jardinier vient de dire que la porte de la serre est ouverte… »

— « Je vais y voir, » répondit la première voix, tandis que la voix impérieuse lançait un « Verfluchter Esel ! » Ce juron disait assez combien ce détail de surveillance mécontentait l’ordonnateur de ce guet-apens… Dirigé contre qui ? … Sachant ce qu’il savait, Olivier n’eut pas une minute de doute : l’archiduc avait appris qu’un homme était chez sa femme, et il préparait sa vengeance. Il voulait cette vengeance anonyme, comme l’attestait la question qu’il avait posée à son aide de camp, puis sa colère contre le « maudit âne » qui avait mentionné la porte de la serre. Il fallait que l’amant fut tué comme un vulgaire bandit, « afin d’épargner l’honneur d’Ely », songea Olivier, qui se redressait maintenant,