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lui-même. Il avait senti, à sa poignée de main, quand ils s’étaient séparés pour la nuit, la trahison toute voisine, toute certaine, accomplie déjà. Pourquoi ne lui avait-il rien dit à cette minute suprême ? Les grandes déceptions du cœur ont de ces renoncements. Devant certains coups trop inattendus, on ne lutte pas, on ne se plaint pas. Si Pierre avait vraiment conçu et accepté cette idée de manquer au pacte conclu entre eux, quel reproche lui en faire, et à quoi bon ? À quoi bon ? … Et, accoudé à la fenêtre ouverte, faisant appel à sa dignité d’homme pour ne pas aller frapper chez son ami, Olivier était demeuré longtemps à se répéter : « C’est impossible, » jusqu’à une seconde où il avait cru voir la silhouette de Pierre qui traversait le jardin de l’hôtel. Cette fois, il ne s’était plus dominé. Il lui avait fallu descendre, interroger le concierge. Il avait su que Pierre venait en effet de sortir. Quelques instants plus tard, il s’élançait lui-même dans la direction de la villa Helmholtz. Il avait reconnu son ami. Il l’avait suivi. Il l’avait vu se retourner, écouter, reprendre sa route… Quand Pierre avait été sur le point d’entrer dans le jardin, Olivier n’avait pu se retenir de faire un pas en avant : c’était le moment où Pierre l’avait entendu. Olivier s’était rejeté dans l’ombre : l’autre avait passé tout près de lui, l’avait presque frôlé et s’était mis à courir, sans doute vers une autre entrée qu’il connaissait. Olivier avait cessé de le suivre.

Il s’était assis sur le talus, et là, il s’abandonnait à