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la grande traînée lumineuse que projetait une lampe électrique placée sur un des montants de la grille. Son enquête ne lui révéla rien de suspect. Mais le saisissement avait été si violent qu’il appréhenda de se glisser par ce même endroit, trop facile d’accès, trop découvert. Il se prit à courir, comme s’il était réellement poursuivi, autour du petit parc qui prolongeait le jardin de la villa vers la hauteur. Un mur assez élevé en fermait toute une partie. Il l’escalada, en s’aidant des branches d’un chêne vert poussé au pied. Un instant, couché sur le revêtement de briques qui terminait la crête, il écouta de nouveau. Il n’entendit que le bruit de la faible brise, le frisson des feuillages tout proches, le vaste silence de la nuit, et au loin, très au loin, les aboiements d’un chien dans quelque maison isolée. Il se dit : « J’ai rêvé, » et il se laissa glisser en se retenant par les mains, puis tomber. La profondeur était de plus de trois mètres. Il eut la chance que la terre, meuble à cet endroit, amortît sa chute, et il se dirigea vers la maison. Quelques minutes encore et il était à la porte de la serre, qu’il poussait doucement, et la main d’Ely prenait sa main… Son émotion était bien grande. Qu’eût-elle été s’il avait pu savoir que sa panique ne l’avait point trompé, que réellement des pas avaient suivi ses pas depuis qu’il avait quitté hôtel, et que le témoin dont il avait senti la présence dans l’ombre, si près de lui, jusqu’au moment on il avait commencé de courir, n’était autre qu’Olivier ?