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appel, qu’il obéirait à cette voix de femme dont la musique avait passé dans tous les mots de cette lettre, l’implorant, l’adorant, lui caressant le cœur d’une caresse triste, douce à en mourir. La conscience de la lâcheté probable, certaine, était si nette en lui que le regard de son ami, quand ils se retrouvèrent à déjeuner, lui sembla insoutenable, — insoutenable de causer avec lui, d’entendre sa voix, d’être dans la même chambre. — Vers la fin de l’après-midi, déjà il n’osait plus se dire ce mensonge : « Je n’irai pas. » L’espèce de brûlante frénésie que la certitude du rendez-vous donne aux amoureux l’enveloppait, l’envahissait, l’entraînait tout entier, et, à onze heures du soir, le chapeau baissé sur les yeux, rasant les murs comme un criminel, la gorge séchée d’émotion, fou de honte et de désir, il sortait, il s’engageait sur la route qui menait à la villa Helmholtz. La femme avait été la plus forte. La trahison était consommée…

Il faisait une de ces nuits du printemps Provençal, où toute la nature n’est qu’ivresse et volupté. Des aromes de fleurs arrivaient à Pierre par dessus les haies des jardins. Une brise alanguie remuait les feuillages obscurs des arbres, juste assez pour donner au paysage une sorte de vie extatique et sommeillante, et le firmament palpitait d’étoiles. Le frêle croissant de la lune montrait les ténèbres sans avoir la force de les éclairer, et un immense mystère flottait dans le