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femmes sont bien étonnantes de finesse et de culture, d’esprit et de charme… Pourtant, » ajouta-t-il en hochant la tête, « ce charme vaudra-t-il jamais celui qu’avait non pas la Parisienne, je te l’abandonne, mais la vraie Française, avec cette raison dans la grâce, ce tact dans l’intelligence, cette poésie de la mesure et du goût parfaite ? … »

Il avait pensé tout haut, sans prendre garde au vague, au presque invisible sourire qui avait flotté sur les lèvres spirituelles de son interlocuteur. Marius de Corancez n’était pas homme à prolonger une aussi vaine discussion. Il se souciait fort peu qu’Olivier Du Prat promenât sa lune de miel parmi les tombes des Pharaons ou dans les « réserves » de la Corniche, et il n’avait nommé cet ancien camarade, le plus tendre ami d’Hautefeuille, qu’afin de donner à leur causerie un plus facile accent d’intimité. La phrase que ce dernier venait de prononcer sur les étrangères lui prouva, une fois de plus, combien il avait diagnostiqué juste en le croyant épris de Mme de Carlsberg, et du même coup il fut rappelé à la réalité de son projet. Les deux compagnons se trouvaient à cette minute devant la table de trente-et-quarante, et à cette table était justement assise une des personnes les plus étroitement liées à l’exécution de ce projet : l’oncle propre de miss Marsh, l’un des plus célèbres parmi les magnats des chemins de fer en Amérique, Richard Carlyle Marsh, ou plus familièrement Dickie Marsh, celui qui devait, au jour fixé, et sans en rien savoir, prêter la complicité de son yacht au