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vie, faibles encore, presque infirmes, froissés de meurtrissures. — Cette sensation d’un renouveau, fragile, endolori, mais d’un renouveau, était encore accrue pour les deux amis par une autre convalescence, toute physique, celle de Berthe. Grâce à quels mensonges charitables Olivier l’avait-il abusée et guérie ? Toujours est-il que la jeune femme allait et venait, vaquant aux menus préparatifs du prochain départ, si visiblement heureuse de s’en aller que son rien de raideur disparaissait dans ce plaisir. Et puis, elle avait souffert, elle aussi, et ces quelques jours avaient suffi pour que son génie féminin, endormi si longtemps, commençât de s’éveiller. Elle avait pris une résolution : se faire aimer de son mari, mériter d’en être aimée. — De tels efforts sont si touchants pour l’homme qui sait les comprendre : ils supposent tant d’humilité, tant de dévouement ! … C’est si dur pour une jeune femme, si contraire à sa dignité instinctive, de mendier un sentiment, de le provoquer, de le conquérir, si dur d’être aimée parce qu’elle aime et non parce qu’elle est aimée ! — Olivier avait trop de délicatesse pour ne pas sentir cette nuance. Il s’abandonnait à l’impression si particulière qu’éprouve un homme, quand il souffre d’une femme, à recevoir d’une autre ces caresses de l’âme dont l’amour malheureux lui enseigne tout le prix. Il souriait à Berthe comme il ne lui avait jamais souri, et Pierre se laissait gagner lui-même à cette demi-gaieté de son ami. N’était-elle pas son œuvre, la