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Il avait des larmes dans les yeux en parlant, de grosses et lourdes larmes qui roulaient sur ses joues. Des larmes pareilles jaillirent du cœur et des yeux d’Olivier à ce spectacle. Ils demeurérent quelques minutes ainsi, et cette communion de douleur après tant de silence faisait de nouveau se toucher, se pénétrer leurs âmes. Un même élan de pitié venait de les pousser, Olivier à rendre sa parole à Pierre, Pierre à refuser de la reprendre, et c’était encore la pitié qui leur tirait ces larmes. Chacun d’eux plaignait l’autre et il sentait qu’il en était plaint. Ils s’étaient retrouvés tout entiers, et l’amitié les remplissait d’une telle émotion qu’une fois encore l’amour était vaincu. Pierre fût le premier à essuyer ses pleurs, et, du même accent résolu dont il avait prononcé le serment :

— « Je pars avec toi après-demain, » dit-il, « et je n’aurai pas besoin d’un effort. Rester me serait impossible. Je ne te ferai pas, je ne nous ferai pas cela… »

— « Ah ! mon ami, » répondit Olivier, « tu me rends la vie ! … Je t’aurais laissé ici sans un reproche, sans une plainte. J’étais bien sincère dans ce que je t’ai proposé. Mais c’était trop dur… Je crois que j’en serais mort… »

À la suite de cette nouvelle conversation, ils passèrent une après-midi et une soirée étrangement douces, presque heureuses. Les maladies de l’âme ont de ces heures de convalescence comme les maladies du corps, — heures de détente alanguie, où il semble que nous renaissions à la