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aux yeux. Une large plaque de collodion, posée sur sa tempe, témoignait qu’il avait, la veille ou l’avant-veille, subi une forte contusion. L’enflure violette en était encore visible. Mais ce signe d’un fâcheux accident ne diminuait en rien la belle humeur de sa physionomie.

— « Ce petit bobo ? » dit-il à Hautefeuille, après s’être allègrement excusé de son insistance, « tu voudrais savoir ce que c’est que ce petit bobo ? … Eh bien ! c’est une preuve, après vingt autres, de la chance des Corancez. Voilà ! … Et aussi qu’en dépit des homélies de monseigneur Lagumina, le Provençal a roulé le Vénitien. Voilà encore ! … C’est un petit assassinat essayé sur ma modeste personne par monsieur mon beau-frère, tout simplement, » ajouta-t-il avec son rire gouailleur.

— « Tu n’es pas sérieux ? … » dit Hautefeuille.

— « Tout ce qu’il y a de plus sérieux ! » répondit Corancez ; « mais il était écrit que j’aurais l’assassinat gai. Je suis réfractaire au drame, paraît-il… Et d’abord, tu sauras que mon mariage est déclaré depuis cinq jours. C’est même ce qui t’explique pourquoi tu ne m’as pas vu. J’ai dû faire mes visites de noces à tout ce que Cannes renferme d’altesses et de lords… Sympathie partout et succès d’étonnement : « Un mariage secret ! Mais pourquoi ? … » Sur mon conseil, Andriana a prétexté un ancien vœu… « Mais c’est original ! Mais c’est charmant ! … » Trop de succès même, surtout auprès d’Alvise. Il ne nous faisait